La médecine à la Renaissance: chapitre 1

A la renaissance  l’esprit  se  libère enfin du carcan  moyenâgeux. Des  idées nouvelles apparaissent même  si elles sont  parfois  empruntées à l’antiquité grecque  ou latine. L’imprimerie  va  permettre une diffusion rapide des idées et  des découvertes. La censure ne  pourra s’y opposer.                                                                                                                             

 Il ne faut pas  oublier qu’au moyen âge, l’hôpital était  un lieu d’accueil et  pas  un lieu de soins médicaux.                                                                                                                         

A la renaissance, la  médecine commence  à sortir, en fait  de  1000 ans d’immobilisme du à des positions religieuses.  En parlant de sa résurrection, Jésus avait  dit « je  peux reconstruire ce temple en trois jours ». Le corps  humain  a, dès lors, été considéré  comme  une  entité sacrée  et  intangible. L’étude  de l’anatomie, base  de toute  intervention  a donc été  interdite et violemment condamnée, entre autres  par  l’Inquisition. Bien  entendu, lors des guerres ou des persécutions, cela   n’a pas empêché de découper  des gens en  morceaux dans  le cadre de tortures immondes                                                                                           

Le retour  au classicisme des romains et  des grecs permet  aussi de retrouver  des pratiques médicales  oubliées pendant plus d’un millénaire : par exemple , les romains pratiquaient  l’opération de la cataracte et  avaient  tout   le matériel  pour réaliser cette opération avec succès.

A Paris  il faut attendre la toute fin  du XV° siècle pour observer la première « anatomie », c’est  à dire  « dissection ». Pendant  la  plus grande partie du  XVI° siècle, la faculté ne disposera que quatre cadavres par an   pour effectuer ses  observations et ses études : en général on prenait des condamnés  récupérés  de  nuit sur le gibet ou « exécutés de manière à ne pas les abîmer pour qu’ils soient exploitables » !!!. Les  formalités  pour  obtenir  une dissection étaient, toutefois,   désespérantes et  elle  devait  être effectuée en présence des autorités civiles et religieuses pour éviter  des meurtres  déguisés  ou le recours  à la sorcellerie.  Le premier « amphithéâtre d’anatomie » de France   ouvrit à  l’université de Montpellier  en  1551 seulement. A cette époque, les données de l’anatomie étaient donc enfin acquises même si leur diffusion restait  encore difficile.

La médecine à la Renaissance Chapitre  2

La  médecine  souffrait  également d’autres  maux. En effet, en raison de  la toute  puissance des  corporations, la  médecine était  séparée  en différentes  branches  avec une  hiérarchie  bien établie. Il y avait, pour les  plus pauvres les « sans  diplômes » : les guérisseurs, rebouteux  et autres « charlatans » c’est-à-dire ceux qui criaient  sur les  marché  pour appeler  la clientèle. Certains d’entre eux utilisaient  de manière efficaces les vertus  des plantes, d’autres, face à des maladies  incurables ou face aux épidémies, exploitaient sans vergogne le désarroi des populations                                                                                          

En suite il y avait les diplômés qui après  des études  plus  ou moins  longues devenaient  chirurgiens, ou médecins. Les  apothicaires étaient une autre branche sans  aucun rapport mais en  concurrence  avec les « épiciers ».                                                                

Les principes de la  médecine  remontaient  à Galien et Hippocrate, à l’époque romaine. Leur  application était soumise  à un immobilisme  paralysant,  au poids systématique  de  l’astrologie de la religion et  de  la superstition, à l’utilisation comme  panacées  de remèdes  violents  tels que les saignées et autres clystères au mercure qui faisaient plus de mal que de bien…Face aux potions concoctées  par des savants  protégés par  les grands de ce  monde,  les « simples », c’est  à dire,  les plantes de  la  pharmacopée  traditionnelle, étaient  un moindre  mal.                                                                                       

Des  médecins  comme  Jean  Fernel, médecin personnel de Henri II et de Diane de Poitiers, sauront donner  à la  médecine une aspect moderne pour  lui conserver un caractère  totalement dépassé mais  intangible.  Une des caractéristiques de  la  médecine de  l’époque est  que les décisions étaient prises par  des médecins : ces doctes  personnages tenaient des conférences  savantes  pour  savoir  ce qu’il convenait de faire et Molière s’est  largement  moqué de  leurs  prétention ridicule. Ensuite  le travail  était  effectué  par des chirurgiens, sortes de « sous médecins »  genre  infirmiers de  l’époque  et il faudra  attendre l’arrivée d’ Ambroise  Paré  pour voir  les choses évoluer.

La médecine à la Renaissance Chapitre  3

Ambroise  Paré fut chirurgien  militaire  pendant  25 ans, ce qui  lui donna un champ d’expérience inépuisable dans tous les  domaines et pas seulement celui des  blessures de guerre. Esprit  curieux  il aborda tous les  domaines de  la médecine  y compris  l’obstétrique. Huguenot  libéral il eut  toujours soin de  préciser qu’en tant que  chirurgien il soignait mais  que c’était  Dieu  qui guérissait                                                                                              

 Il restait, bien  entendu le domaine des troubles mentaux  ou assimilés. Jusqu’à la renaissance  le traitement  de ces problèmes relevait de  l’exorcisme, de  la sorcellerie, le traitement ordinaire était  souvent le bûcher et c’était  l’ Eglise qui s’en chargeait.                  

Parmi les grandes épidémies de la renaissance il en est  une  dont  on ne  parle  qu’à demi mot  mais qui provoqua  la terreur : la Vérole.  

Cela  désigne les  maladies  vénériennes qui se répandirent  comme  une traînée de  poudre  en cette époque de  « libération sexuelle ». Le  médecin italien Fracastor démontra  le caractère  épidémiologique de certaines  maladies et l’existence  de  micro organismes qui propageaient  l’infection.  On préconisa  toute sorte de traitements  plus  ou moins contestables ainsi que l’emploi systématique de  « préservatifs » en boyau de  porc  ou de  mouton. On en a  même retrouvé un en  fouillant   dans  d’anciennes  latrines de Catherine de  Médicis ! Curieusement cette infection a été bénéfique car  c’est  la  première fois que  l’on fait  une véritable recherche épidémiologique concernant  l’origine de la  maladie et  les traitements  possibles. (Sans parler de la  position de  l’Eglise qui  prônait  la chasteté ce qui  reste toutefois, sans conteste, le seul moyen efficace à cent pour cent pour éviter  la contagion !)

L’intérêt  de ces réflexions est l’apparition (enfin), à partir  du règne de  Henri III  de  l’édition d’ouvrages  sur  les règles pratiques de  l’hygiène  publique dans  le traitement des  maladies et des épidémies.

La médecine à la Renaissance Chapitre 4

On étudiait  la médecine dans  diverses facultés  comme celle de Paris  ou de  Montpellier (la  plus réputée et celle où Rabelais  a fait  ses études). Les étudiants avaient  leur  mot  à dire  dans  le choix des enseignants et  le recrutement était international.  Les études commençaient  à 18 ans au  minimum.  L’étudiant, obligatoirement  laïc,   devait  se présenter  avec un certificat de bonnes  mœurs signé par son curé. Les études duraient  cinq  ans pendant lesquels  les étudiants  n’étaient  ni nourris ni logés Au bout de cinq ans  l’étudiant passait  un examen devant deux  médecins et  le  maître chirurgien de  l’hôtel Dieu. L’examen  comprenait plusieurs épreuves théoriques puis l’ « examen des  quatre  semaines »  où les connaissances dans  différents secteurs  de la  médecine  étaient  observés  pendant quatre  jours par semaine. Enfin, si l’on était reçu, on devenait  chirurgien. (nourri et logé par  l’Hôtel Dieu)      

On était  d’abord « garçon chirurgien »  puis  on pouvait  passer  « compagnon ». Il fallait six ans de  plus  pour devenir  LE « maitre  Chirurgien » de  l’hôtel Dieu.    Le règlement était très strict : par exemple nul ne  devait  consulter une femme sans  la présence d’une autre femme.                                                                                                                      

Au dessus des chirurgiens régnaient  les « docteurs  régents ». Avant  toute  opération  importante telle  qu’une amputation, une trépanation ou autre, trois  médecins  devaient  débattre  des suites  à donner puis les chirurgiens réalisaient  l’opération pendant que  l’un des médecins  observait… sans se salir les mains.

 En conclusion, à la renaissance, les bases de  la  médecine  moderne  sont enfin  posées  mais  il faudra encore un bon siècle siècle  pour que de  véritables avancées se  produisent car les découvertes de  la renaissance  devront  être  découvertes de nouveau.        A l’époque comme  aujourd’hui, les  malades vivent  sans  l’urgence mais les traitements  et  les  mentalités  demandent du temps

Ambroise Paré, le clystère et le clystère soi-même

Les amateurs de brocante auront  tous  vu ces grandes seringues en étain avec une canule  à un bout et  un poussoir en bois à  l’autre extrémité. Il s’agit  d’un « clystère » pour faire des  lavements. Bien entendu, ce type d’objet  a  une  histoire et  même des  histoires.      

Ambroise Paré, qui n’était que chirurgien  et  non pas  médecin , ne  lisait  pas  le latin mais, à la  renaissance beaucoup d’auteurs réalisaient des traductions ce qui lui  permettait  de consulter tout ce qui concernait la médecine. Dans  une traduction de  l’auteur  latin  Pline, Ambroise  Paré apprit donc que  le lavement remontait aux Egyptiens. Comme tous les  peuples anciens  ils  observaient  la  nature et  avaient  constaté que,  parfois, les  ibis ou les cigognes, plongeaient  leur  long bec dans  l’eau de  mer et, grâce à leur long cou, s’envoyaient de l’eau salée dans l’anus : le résultat était rapide et spectaculaire. Ils eurent  donc  l’idée d’appliquer  ce traitements aux  humains qui, déjà  à l’époque étaient victimes de problèmes  intestinaux et de constipation. Les  médecins qui pratiquaient ce traitement portaient le  joli nom de « bergers de  l’anus »                                                                              

L’idée  traversa  l’histoire en  utilisant  des vessies de  porcs  comme récipients et  des tubes de roseau comme canules                                                                                          

Dans les  campagnes, au moyen âge on avait plutôt  recours à des plantes telles que  la  badiane, voire  l’arum dans les  cas  les plus graves. Les problèmes intestinaux étant  réguliers on oublie que l’expression « Comment allez-vous ?» est  incomplète  car au XVII° siècle on disait : « comment allez-vous la selle »                                                                                           

Les recommandations d’Ambroise  Paré  furent  suivies d’effet car au XVII° et au XVIII siècles  le  lavement, ou plutôt le « clystère », devint  un « fondement » de  la médecine. Dans la dernière  année de son existence, Louis  XIII dut  en subir  pratiquement  un par  jour. Louis  XIV en reçut  au moins  2000 au cours de sa longue vie. Le  métier  était  donc rentable et  provoquait  des railleries  de plus  ou moins mauvais  gout. On connait  la comédie  de Molière sur  le  Malade  Imaginaire à qui on demande  si « la matière est  louable ».  Sur  la  pierre  tombale d’un apothicaire lyonnais spécialisé dans ce traitement on écrivit « Ci git celui qui, pour  un quart d’écu, s’agenouillait devant un cul. »                                  

Au XVIII° siècle, pour plaire aux dames, on rajoutait  des parfums délicats : essence de rose, fleur d’oranger… c’est  pour  cela  que  les apothicaires spécialisés dans ce genre de traitement étaient  surnommés  les « limonadiers du postérieur ».                                                        

Pour  en revenir  à Ambroise  Paré, il mit au point  un modèle spécial avec  un tuyau entre  le réservoir  et  la canule et  il lui donna le nom de « clystère  soi même ».

Ambroise Paré et l’utilisation du clystère et clystère soi-même pour lesquels je ne mettrai pas plus de commentaires, les images sont assez explicites