LES ORDONNANCES SOMPTUAIRES

            Le budget de l’état se trouvant dans un état catastrophique, tous les rois de la renaissance ont ressenti le besoin de légiférer pour limiter les excès. Ainsi, en 1547, Henri  II publie un édit qui interdit le superflu dans les vêtements féminins… sauf pour la reine, les princesses et les demoiselles de la suite de la reine.  Bien entendu cela restera lettre morte.

En 1561 Charles IX (ou tout du moins, sa mère) publie un nouvel édit contre le « gonflement des robes » qui, en raison des vertugadins atteignent 8 à 10 pieds C’est valable partout… sauf pour les dames de Toulouse !!!. Bien entendu ce n’est pas mieux respecté.

Henri III publia un nouvel édit contre les corsets que Catherine de Médicis avait importés d’Italie. On les appelait des « corps » ou des corps à baleines ». Au début les baleines étaient en bois puis on fabriqua des corsets, genre  orthopédiques , véritables engins de torture qui donnent le bel aspect que l’on voit sur les tableaux mais qui compriment tout au point de causer des lésions graves, de couper le souffle, de provoquer des descentes d’organes… La légende prétend que cet engin avait été mis au point au XIV° siècle par un mari qui voulait punir sa femme !! et pourtant les femmes ne voulaient plus s’en passer.  Le fait que ces engins aient été doublés de velours n’enlève rien à l’inconfort de cet accessoire.                             

A l’époque de Henri III la mode atteignit les hommes qui portèrent des bijoux, des boucles d’oreilles  et parfois… des corsets

Le corset n’était le seul élément à la mode mais gênant puisque les premiers cols à godrons, ancêtres des fraises, étaient déjà  nommés « carcans ».

Si le corset donnait une forme conique au haut du corps, on obtenait la même chose, inversée, sur le bas de la robe, avec la « vertugalle.

LA GARDE-ROBE DE HENRI II ET DE CATHERINE DE MEDICIS

La « vêture » des souverains relève d’un budget spécial qui est celui de l’ « Argenterie ». Ce budget assume, pour les Maisons du roi et de la reine, les « dépenses ordinaires de matériel en métaux communs et vêtements » (en gros « tout de qui est nécessaire pour la personne du roi  ou de la reine »). Sur ce budget, le vêtement représente plus de 50% tant pour le roi que pour la reine. Pour Catherine de Médicis c’est Françoise de Brézé (sœur de Diane de Poitiers) qui signe ces comptes.

L’orfèvrerie représente également une part importante de ce budget, surtout pour la reine qui consacre aux bijoux huit fois plus que le roi. De fait,  ces objets ou bijoux représentent, un trésor de guerre pour le royaume. Il ne faut pas oublier que beaucoup de bijoux font l’objet de dons  pour des circonstances particulières ou pour récompenser certaines personnes.      

En réalité, si les habits sont riches ils ne sont pas nombreux : les vêtements sont conservés soigneusement dans des coffres et réutilisés avec ou sans retouche.. Les matériaux choisis sont extrêmement chers : le tissu d’une robe de la reine peut représenter 6 ou 7 ans de salaire d’un charretier, par exemple. Le vêtement le moins vu mais le plus apprécié est la robe, pour le roi, l’équivalent de notre robe de chambre : c’est un vêtement d’intérieur indispensable dans les châteaux inchauffables de l’époque. Il en est de même du manteau doublé de loup, de vair, d’hermine ou de zibeline pour la reine. C’est aussi un vêtement très couteux, doublé de fourrures rares et rehaussé d’or et de pierreries. Il convient de rajouter des sommes considérables pour la décoration en boutons, passementerie, fil d’or….. Les tissus les plus prisés étaient  le velours puis le taffetas et le satin et enfin la « toile d’argent ».

A l’époque, les manches sont interchangeables et peuvent être rajoutées à différents vêtements. Pour terminer La reine disposait d’une collection de mouchoirs de soie noire ou cramoisie car, dès cette époque, le mouchoir était devenu un instrument de parure et de  séduction. Au XVI° siècle,  les  spécialistes de la mode sont exclusivement masculins et, bien entendu, ces fournisseurs doivent suivre la cour qui est itinérante, même en dehors des grands voyages. Les artisans les mieux payés étaient les brodeurs. Pour Henri II le blanc et le noir (les couleurs de sa maîtresse) représentent plus de 40% de sa garde-robe. Avant la mort de son mari la moitié de la garde-robe de Catherine était déjà en noir. A priori le noir et blanc servaient pour le quotidien et les couleurs pour les habits d’apparat.  Par la suite  elle adopta le noir,  en exclusivité, ce qui est, pour nous,  sa marque de fabrique.

Il est à noter que le travail de tous ces habits était si minutieux que pour un seul vêtement  il pouvait s’étaler sur plusieurs années. En plus de ce qu’ils dépensaient pour eux-mêmes,  le roi et la reine offraient des vêtements pour un montant qui représentait la moitié de ce qu’ils dépensaient pour eux mêmes. La mode renaissance  était européenne puisqu’on note des éléments « à l’espagnole », « à l’italienne » ou même  « à l’allemande », « à l’anglaise » ou « à la portugaise ».

LES « CHOPINES » DE CATHERINE DE MEDICIS

Les chaussures à talons existent depuis longtemps : il semblerait que les bouchers égyptiens portaient des souliers à talons pour ne pas patauger dans le sang des animaux. La mode de souliers à talons se répand en Italie au début du seizième siècle : c’était d’abord l’apanage des courtisanes avant de devenir une marque de supériorité sociale. Au début il s’agit d’un genre de plateforme, genre échasse, pouvant atteindre 30 à 60 centimètres de haut puis on en vient au soulier à talon du genre que nous connaissons. En fait c’est Catherine de Médicis, lors de son mariage qui va introduire cette  mode en France.  Petite et ronde, elle trouvait là le moyen d’améliorer son image. Toute la cour adopta cette nouvelle mode.

Bien entendu cette mode des « chopines » avait quelques inconvénients : les deux pieds étaient indifférenciés ce qui donnait une démarche de canard. Par ailleurs on ne savait pas rigidifier la voute plantaire ; le talon était donc au milieu du pied ; cela, combiné avec la hauteur exagérée  des talons, rendait la démarche incertaine. Pour garder l’équilibre les hommes s’appuyaient sur une canne et Catherine de Médicis sur… la tête de ses nains !!!

Après les chaussures larges genre « patte d’ours  ou « bec de canard » de François premier, Charles IX  imposa la mode  de souliers de couleurs différentes mais également plus petits que le pied.  Le contenant étant plus petit que le contenu il fallait frapper du pied et taper la pointe sur le sol pour les  enfiler.  Quand on sortait, on portait des souliers dont la semelle pouvait compter 24 épaisseurs de cuir de vache. Ces chaussures « à semelles compensées » permettaient de mettre les habits à l’abri de la boue, des déchets qui jonchaient le sol et des  éclaboussures. A l’intérieur on revenait à des hauteurs moins importantes mais on portait des semelles en liège, pour se protéger du froid.

LES GANTS  

Depuis le moyen âge les gants sont l’apanage des personnes qui représentent l’autorité.  C’est en particulier le cas des ecclésiastiques, évêques, cardinaux ou papes  qui rejettent le cuir considéré comme impur et choisissent des gants de soie tricotée, blancs pour les papes, rouges pour les cardinaux ou violets pour les évêques. Ces gants sont tricotés d’une pièce « comme la tunique du Christ ». A partir du XI° siècle il y a une croix brodée sur le dessus de la main.

A la renaissance, Catherine de Médicis introduit les gants de cuir parfumés.  Le cuir est souvent du chevreau et le parfum est en principe de la fleur d’oranger ou du jasmin.  C’est souvent le parfumeur attitré de Catherine de Médicis qui se charge  de parfumer les gants même si la rumeur dit qu’il s’était fait une  spécialité des gants empoisonnés.

Rapidement le gant sera orné de manchettes brodées nommées « crispins » dont on conservera une variété renforcée pour les gants d’escrime. Pour des usages plus rustiques que les cérémonies officielles on pouvait utiliser des « gants à un seul doigt » donc des moufles. Dans la correspondance diplomatique de l’époque on voit que l’on offrait facilement des gants à des proches ou a des mécènes,  en signe d’amitié.

Gants à crispins de Catherine de Médicis

LE CHAPEAU

A la renaissance le château fort devient inutile et il est remplacé par le château d’agrément.   De la même manière, le chapeau perd pour la première fois son rôle protecteur  pour devenir une partie du vêtement, assortie par ses couleurs et ses bijoux au reste du vêtement. Les chapeaux sont régis par une mode qui évolue très vite et concerne aussi bien les hommes que les femmes.

Les chapeaux sont en velours  ou en brocard  et ornés de perles et d’aigrettes de plumes. Ces plumes peuvent être de taille variées : certaines sont montées en broche d’autres sont plus volumineuses comme le fameux panache blanc, en plumes d’oie ou d’autruche que portait Henri IV au combat.

Dans la première moitié du siècle on porte des petites toques ou des bérets aplatis aux bords étroits, bien entendus surchargés de dorures et ornés d’aigrettes de plumes. En général les plumes sont devant pour les femmes et sur le coté pour les hommes. Par la suite le couvre-chef masculin va grandir en largeur ou en hauteur tout en restant aussi décoré. Pour les femmes, dès la fin du règne de Charles IX,  on voit des chaperons en forme de cœur (avec une coiffure en « raquette » ou en « ratepennade » dont la pointe avance sur le front et que l’on appelle des « attifets ».  Il y a aussi des genres de turbans et bien d’autres coiffes mais toujours décorés de perles et autres dorures.

Bien entendu cette mode ne concerne que les personnes aisées car les hommes du peuple continuent à porter des bonnets de feutre pour se protéger du  froid ou des chapeaux de paille pour se protéger du soleil. Les femmes du peuple portent des coiffes ou des cornettes de tissu qui,pour nous,évoquent immanquablement l’aspect de nos religieuses. Il faut toutefois profiter de cet aspect de la mode car, après la renaissance,  le chapeau disparaîtra pendant près de deux siècles.

LA COIFFURE

A la renaissance les femmes commencent à montrer davantage leurs cheveux. Curieusement, quand  le protestantisme, strict et sans fantaisie, s’est répandu, l’Église Catholique, pour marquer sa différence, a relâché la pression sur les mœurs. Les hommes ont pu choisir de porter ou non la  barbe, les moustaches, les cheveux longs jusqu’à la nuque ou plus courts. Les hommes portaient en général la barbe, et en prenaient beaucoup de soin : ils l’enduisaient de cire ou de pommades. La nuit ils la fixaient avec une armature en bois pour qu’elle conserve sa forme. La légende dit que François Ier, avait eu ses longs cheveux, sa joue et sa longue barbe,  brûlés lors d’une altercation avec le comte de Saint Pol : à partir de ce moment ses sujets ont commencé à porter, eux aussi les cheveux et la barbe plus courts.           

Les femmes continuent de montrer complètement leur front mais elles préfèrent de hautes coiffures ornées de rubans ou de bijoux et de pierres précieuses. Il est vrai que la mode est à la fraise ; pour s’adapter, les coiffures sont dégagées vers l’arrière, élevées sur l’avant et souvent renforcées avec de l’empois ou du rembourrage en faux cheveux. A la fin du règne de Charles IX,  on voit surtout des coiffures en « raquette » ou en « ratepennade », ce qui est le nom d’une chauve souris à laquelle cela fait penser. Bien entendu Les styles de coiffures des reines influent, naturellement, sur la population en général.

La beauté féminine idéale était blonde, avec une longue chevelure. Les femmes en général mais Marie de Médicis en particulier,  s’efforçaient de répondre à ce critère de beauté en tentant d’éclaircir leurs cheveux par tous les moyens. Pour obtenir leur fameux blond tout en préservant leur teint, elles passaient des journées entières au soleil, enveloppées de voiles, la tête couverte d’un grand chapeau sans calotte dont sortaient les cheveux enduits d’une mixture décolorante mêlant du safran, du  citron et de l’urine animale ou humaine.  On trouve facilement toutes sortes  de recettes (efficaces) à base de produits « naturels » plus ou moins ragoutants. 

RALLIEZ VOUS A MON PANACHE BLANC 

Tout le monde connaît cette phrase d’Henri IV mais, est-elle authentique et d’où vient ce fameux panache ?     

La « plumasserie », c’est-à-dire l’art d’utiliser des plumes pour se parer est aussi ancienne que les sociétés humaines.   Les peintures du moyen-âge montrent que les seigneurs et même les religieux portent des plumes de paon mais c’est seulement au XV° siècle que les chapeliers, qui travaillent la plume, ont pris le nom de « plumassiers ». Dans le cadre du compagnonnage, la formation durait dix ans et permettait d’utiliser toutes sortes de plumes naturelles ou teintes qui provenaient de la basse cour, pour les coqs, les oies ou les paons, d’oiseaux sauvages comme le héron, le faisan ou le vautour, voire d’oiseaux exotiques comme l’autruche.

Comme toutes les corporations, les plumassiers avaient un saint patron qui était Saint Georges, car les casques des cavaliers dont il est également le patron sont souvent ornés de grands panaches de plumes.

Sauf quand il portait la couronne, Charles IX avait « des plumes au chapeau » sur tous ses portraits.                             

Henri IV mit à l’honneur le fameux panache en 1589 à Arques en Normandie. Il portait un casque orné de plumes d’oie, d’améthystes et de perles. En partant au combat il lança à ses troupes : « Mes compagnons, Dieu est pour nous. Voici ses ennemis et les nôtres ; voici votre Roi. Si vous perdez vos enseignes, ne perdez point de vue mon panache : vous le trouverez toujours au chemin de l’honneur et de la victoire.

Bien entendu c’est un peu différent de la formule que nous avions apprise à l’école mais le fond est le même.  

Les coiffures et les plumes connurent leur apogée aux XVIII° et XIX° siècles. A l’époque de Louis XIV on faisait des coiffures tellement extravagantes que certaines femmes avaient le menton au milieu de la hauteur entre leurs pieds et le sommet de leurs coiffures.  Au XIX° siècle la chasse à des oiseaux sauvages aux belles plumes a menacé de nombreuses espèces. Le gout pour les plumes et les chapeaux s’est effondré vers 1960 et de nos jours, écologie oblige,  on n’utilise plus que les plumes d’oiseaux d’élevage.

DE LA PASSEMENTERIE A LA DENTELLE

Les habits mais aussi les meubles, les harnais de chevaux, ornements d’églises… ont depuis longtemps été agrémentés de décoration. Les passementiers ont créé des glands puis des franges , des cordons, des galons, des rosettes… mais c’est seulement en 1559, juste avant la mort de Henri II  que les passementiers obtiendront leurs premiers statuts, avec sept ans de formation quand même !!

Ce sont d’ailleurs des passementiers qui ont fermé le col à godrons de Henri II pour en faire la première « fraise ». Henri II avait en effet une vilaine cicatrice au cou que les cols ordinaires ne parvenaient pas à cacher.

Dentelle typique du XVIème siècle

De son coté la dentelle apparaît à l’époque de François 1° et était considérée comme un élément de passementerie jusqu’à ce que le mot « dentelle », c’est-à-dire « à petites dents », apparaisse pour la première fois en 1545 dans l’inventaire de la dot de sa sœur. La dentelle apparaît du coté de Venise au début du XVI° siècle. Elle gagne ensuite les Pays Bas puis l’Espagne et n’arrive à Calais qu’à la fin du siècle. Au début la dentelle était l’apanage des hommes mais rapidement les femmes vont s’en emparer et c’est Catherine de Médicis qui va promouvoir l’enrichissement des toilettes avec des perles, des broderies et, bien entendu, de la dentelle. 

La dentelle est un ouvrage réalisé sans support de tissu et il existe de nombreuses variétés surtout « à l’aiguille » et aux « fuseaux ». Comme la dentelle devient de plus en plus fine, elle demande un temps infini. Par ailleurs l’essentiel de la production vient de l’étranger. La dentelle est un produit particulièrement dispendieux : on pouvait payer plus de 500 grammes d’or pour un mouchoir !!! A la fin du siècle il fallut promulguer plusieurs « lois somptuaires »  pour essayer, en vain, d’arrêter l’hémorragie de capitaux que cela entraînait.

COL, DÉCOLLETÉ, FRAISE…

La seconde moitié du XVIème siècle consacre un nouveau type de col qui va faire fureur: la fraise. Adoptée dans la plupart des pays d’Europe, elle est l’ancêtre de tous les collets, jabots, cravates et cols qui foisonneront au cours des siècles suivants. Dans les faits la mode a évolué très rapidement pour donner des versions très variées. Pour parvenir à faire une présentation annuelle de la coiffure et de la collerette, nous avons la chance de posséder une très grande quantité de portraits de cour, en particulier de dessins. Clouet, Quesnel, Dumonstier et les autres, constituent une source primordiale pour tenter de reconstituer la mode. Malgré tout, les classer par année (si tant est qu’on puisse évoluer de manière linéaire) est donc  parfois  aléatoire. De 1515 à 1550, la mode est au décolleté  carré qui dévoile généreusement la gorge des femmes. Il n’y a donc pas de col.

Dans les années 1550 à 1559 on devine l’évolution du col sans la dater avec précision. En effet l’apparition de la guimpe se retrouve sur les portraits dès les années 1540. Entre le décolleté, le col fermé et ouvert, le ruché et le col rabattu, il faut faire un choix. L’évolution est le décolleté carré puis l’apparition de la guimpe et enfin celle du ruché.

1550                      1552                      1554                    1556                       1558

   A partir de 1560, le ruché s’agrandit pour devenir une collerette. Au début elle est ouverte sur le devant, mais bientôt elle enserre tout à fait le cou, et les plis se font plus nombreux : C’est cet accessoire qui porte le nom de « fraise » : des plis de tissu toujours blancs, ordonnés autour du cou selon un rythme régulier, qui forment des tuyaux plus ou moins nombreux et plus ou  moins longs  au fil des modes. Ce vêtement concerne aussi bien les hommes que les femmes. Les années 1560 voient aussi une variante de la fraise purement féminine, que l’on appelle la collerette en éventail : on conserve le décolleté carré mais la collerette se dresse derrière les épaules et la nuque.

Dans les années 1560 et 1570 la mode peut quasiment se saisir à l’année près.

1560                       1562                     1564                  1566                          1568

On voit ainsi les cols et les fraises monter pour atteindre des dimensions considérables à tel point que, à partir de la fin des années 1560 les cols repoussent la coiffure vers le haut et que l’on observe systématiquement la coiffure en raquette ou en « ratepennade »

1570                    1572                       1574                     1576                      1578

Pour les années 1580 le phasage est un peu artificiel.L’emphase se poursuit et on revient vers des cols avec un abandon de la guimpe et donc un retour au décolleté carré.

1580 1583 1586 1589

Sous Henri III, la fraise atteint jusqu’à 40cm Au point que certains lui donneront le surnom de « roue de charrette. Le visage semble reposer « sur un épais plateau blanc », d’où son nom de « fraise à plateau ».Manger avec un tel carcan relève de l’acrobatie. Pour ne pas la salir lors des repas, une serviette se noue autour du cou. Souvent il est impossible d’en joindre les deux bouts sans l’aide de servantes qui nouaient la serviette. Cette expression est passé dans le langage courant mais avec un sens différent. A la fin du règne d’Henri III apparaît la fraise ouverte sur le devant à la manière d’un col épanoui très largement sur les épaules » relativement à plat !     

À la même époque, le collet monté, ou rotonde, fait son apparition : il n’a plus rien à voir avec la fraise. Le col n’est plus plissé, au contraire : le tissu est tendu sur une armature de laiton, véritable ancêtre des cols de chemises d’aujourd’hui. L’expression « collet monté », qui qualifie  toute personne excessivement guindée ou hautaine vient de cette collerette qui obligeait à garder le menton haut et donnait, de ce fait à ceux qui l’adoptaient un air altier, voire prétentieux.

De fait, pour les années 1590, la difficulté tenait de la diversité des formes, avec le passage d’une collerette godronnée à un collet monté. Dans les années 1600 la mode du collet monté a tendance à s’agrandir et à s’élever haut derrière la tête. Sous Henri IV, s’accordant en cela aux goûts simples du nouveau Roi de France, puis sous la régence de Marie de Médicis, la fraise retrouve des proportions normales, pour les hommes comme pour les femmes. Ensuite le souverain et les hommes de la Cour continuent à suivre la mode des fraises. La reine, en revanche, adopte très vite la collerette en éventail de dentelle qui laisse le décolleté largement découvert. Cette collerette prend le nom de « col Médicis » mais quand on regarde l’ensemble, ce n’est plus du vêtement mais de l’étalage … « Kitch »

LE COLLET MONTE

Catherine de Médicis aimait bien lancer des modes et c’est elle qui a lancé celle du « collet monté ». Cela fut adopté par Marie de Médicis qui en fit le « Col Médicis 

Cette pièce de tissu léger  garnissait le décolleté : elle montait vers le cou, d’où le nom de collet, et était rigidifié vers le haut, d’où le qualificatif de « monté », grâce à du carton, de l’empois, du fil de fer… Le tissu de ce col disposait d’une armature sur laquelle il était « monté ». Plus tard, l’expression « être collet monté » sera associé à la pruderie  car cet objet était extrêmement délicat et que le moindre excès pouvait le déranger, voire le détruire. Toute femme qui portait de genre de col ne pouvait donc « se faire trousser » dans un recoin sans que cela n’apparaisse aux yeux de tous.  Par ailleurs la raideur de l’objet conférait aux femmes qui le portait un air guindé que l’on a par la suite à des femmes rigides, aigries et promptes à la critique.

PATENOTRES ET «CONTENANCES »

A la renaissance, la religion est omniprésente même si les « guerres de religions »  provoquent le trouble : certains deviennent extrémistes du coté catholique, d’autres deviennent extrémistes coté protestant, d’autres enfin essaient désespérément de recoller les pots cassés. Ce qui est sur c’est qu’on a perdu la certitude monolithique du moyen âge. 

Du point de vue vestimentaire, les symboles religieux ne sont pas très présents, pourtant, pour ceinture les femmes mettaient un grand chapelet nommé « Patenôtre » qu’elles tripotaient pour se donner une contenance. Le mot « patenôtre «  était, à l’époque utilisé pour désigner le chapelet et c’était un objet si courant qu’il existait quatre corporations différentes d’artisans qui fabriquaient des chapelets, selon le matériau utilisé (os ou corne, ambre ou jais, corail ou nacre et enfin spécialiste des boucles.

Curieusement le Patenôtre ne se  terminait pas toujours par un crucifix, comme le chapelet d’aujourd’hui mais par un simple galon ou un objet divers.

Rapidement ces dames rajoutèrent des flacons de parfums, des pomanders, des petits livres comme le fameux livre d’heures de Catherine de Médicis où elle retrouvait les portraits de tous ses enfants, , des miroirs…qu’elles tripotaient  Du coup tous ces colifichets étaient surnommés des « contenances. 

Rabelais nous apprend que les « patenôtres, anneaux, jazerans, carcans, étaient de fines pierreries, escarboucles, rubis balais, diamants, saphirs, émeraudes, turquoises, grenats, agates, bérils, perles et unions d’excellence ».

 Bien entendu, comme le chapelet alterne les « Notre Père » et le « Je vous salue Marie », le patenôtre est un accessoire que les huguenots n’accepteront pas.

LE MOUCHOIR ÉTAIT UN COUVRE CHEF

Le mouchoir est un objet très ancien mais il revêt des usages très divers et correspond à des codes sociaux très variés.  Chez les romains, on utilisait une pièce de tissu pour s’éponger le front : le sudarium . Il était alors d’usage de se moucher avec les doigts.

En Angleterre le « handkerchief », littéralement, « couvre-chef de main », est purement vestimentaire.  Le mot vient du français «  le kerchief » , «couvre tête », et représente une ancienne coiffe rudimentaire.

Si le fait de se moucher était entré dans les mœurs le mouchoir en lui-même n’était pas objet très courant car un simple morceau de haillon demeurait un luxe inaccessible pour nombre de personnes des couches inférieures de la population. Au XIV° siècle on disposait de « pleuroirs » pour essuyer ses larmes.

Ce n’est qu’à la Renaissance que  les mœurs évoluèrent, notamment par une valorisation du mouchoir par les moralistes Le mot « mouchoir comme objet destiné à se moucher, n’est inventé qu’au début du XV° siècle. Voici un petit catalogue sur le sujet, vu par Erasme en 1530 : « Se moucher avec son bonnet ou avec un pan de son habit est d’un paysan ; sur le bras ou sur le coude, d’un marchand de salaisons. Il n’est pas beaucoup plus propre de se moucher dans sa main pour l’essuyer ensuite sur ses vêtements. Il est plus décent de se servir d’un mouchoir, en se détournant, s’il y a là quelque personne honorable. »                   

Le mouchoir a donc un aspect sanitaire mais aussi un aspect social et même moral. À partir du XVI°  siècle, les personnes riches veulent non seulement le confort d’un mouchoir doux et soyeux, mais aussi la représentation visible d’un véritable objet de luxe. Il intègre alors une nouvelle panoplie mondaine de l’apparence et il existe un  vrai « langage du mouchoir »  comme il y a un langage, ou plutôt un code précis, de l’éventail ou des fleurs.Pour la petite histoire le mouchoir avait des dimensions variées et des formes variées puis un jour Marie Antoinette fit remarquer que le mouchoir carré était le plus pratique et Louis XVI publia un édit imposant la forme carrée ainsi que la dimension des mouchoirs !!!      

Elisabeth d’Autriche 4ème épouse de Philippe II d’Espagne(1549-1580) tenant à la main un mouchoir

LES CHAUSSURES PATTE D’OURS OU PATTE DE CANARD ET LES PANTOUFLES

L’histoire des vêtements  et même des chaussures est parfois étrange.  Le vêtement sert  à se couvrir et à se protéger, bien entendu, mais il est aussi un moyen d’être reconnu pour ce que l’on est. Ainsi, à Rome, seuls les citoyens romains pouvaient porter des sandales, les autres allaient nu pieds. 

Au moyen, pour se distinguer on inventa la Poulaine : une chaussure pointue dont la pointe finit par s’allonger de manière déraisonnable au point qu’il fallait l’attacher au genou. Les plus grands personnages avaient des pointes qui atteignaient 50 centimètres de long.  Cette mode dérangeait : les autorités religieuses s’en mêlèrent et à la fin du XIV° siècle (juste après la mort d’Aymar de Roussillon),  le roi Charles V en interdit l’usage  car elles empêchaient de se mettre à genoux pour dire ses prières. 

En dépit de cet interdit la pratique se prolongea pendant environ un siècle jusqu’à ce que Charles VIII n’utilise des chaussures en forme de Patte d’ours ou de bec de canard. Ces étranges chaussures à bouts larges et qui sont fixées sur le coup-de-pied par une lanière, firent fureur à l’époque de François premier, or cette mode a une origine surprenante : Charles VIII souffrait de « polydactylie » 

En clair il avait six orteils à chaque pied et les chaussures ordinaires ne pouvaient lui convenir. Il se fit donc faire des chaussures adaptées et les courtisans, comme toujours, lui emboîtèrent le pas, docilement.

Pour information il semblerait que la « pantoufle » nous soit arrivée d’Italie à la fin du XV° s. une vieille tradition voulait que le fiancé mette  des pantoufles à la jeune fille de son cœur en signe de soumission.  Plus tard on disait du mari qu’il était « sous la pantoufle de sa femme », c’est-à-dire que c’était elle qui commandait …  à la maison !.

LES BIJOUX DE LA RENAISSANCE 

A la renaissance les bijoux sont légions.  Bien entendu on utilise l’or et l’argent.  On les garnit de pierres précieuses ou de pierres fines telles que le cristal de roche.  Bien souvent on utilise ou on copie  des pierres antiques gravées telles que les camées. Les perles ont largement envahi les parures de la noblesse et même de la bourgeoisie.  Les perles irrégulières sont souvent utilisées pour donner un élément « sculpté » du bijou : un buste, une tête, un animal … Combinées avec d’autres matériaux elles donnent souvent un résultat saisissant.

Parmi ces bijoux on trouve, par exemple, une multitude de bagues  et, en particulier de « bagues à thèmes ».  On porte volontiers une bague « fede » ou « bague de foi » que l’on porte depuis l’époque romaine comme bague de fiançailles et qui porte deux mains jointes pour marquer que « le marché était conclu ». Le thème connu depuis l’antiquité du « memento mori » c’est-à-dire « Souviens toi que tu dois mourir »  revient à l’honneur dans la peinture , la littérature et également dans les bijoux et l’on voit fleurir des bagues d’un gout douteux avec des têtes de morts.  Cet art sera encore plus florissant au XVII° siècle. C’est en fait l’image, en creux, du fameux « Carpe diem ». Cela signifie, comme on disait à l’époque : « Bois maintenant et danse d’un pied léger car tu dois mourir demain ».

On trouve, bien entendu de nombreux pendentifs, des chaines parfois énormes ou encore  des ceintures.  Les ceintures sont souvent encombrées de pendentifs plus ou moins utilitaires tels que des cure-dents, des cure-oreille, des livres de prières, des « pomanders » et autres flacons de parfums.  Les femmes vont porter des diadèmes ou encore des bijoux de front qui empruntent leur nom à la belle « Ferronnière ».

Pour les hommes comme pour les femmes, des boucles d’oreilles sont de mise : il s’agit souvent de perles de grande taille et seule l’apparition de fraises de plus en plus volumineuses sous le règne de Henri III va freiner la taille de ces bijoux.

Enfin les bijoux sont intégrés aux vêtements : on en met partout.  La perle est, là encore, la plus recherchée. Certains habits en comportent des quantités impressionnantes : une robe de la reine Elizabeth I° d’Angleterre en portait 20 kilos.

LES PERLES 

La perle a toujours été considérée comme un cadeau de la nature, voire des Dieux. Des perles ont été trouvées dans une tombe datant de 5500 avant J.-C. Bien des peuples connaissaient la perle, en Asie mineure, en Inde ou en Égypte et la considéraient comme une gemme magnifique et  sacrée.  Les Grecs l’appelaient même « Larmes d’Aphrodite » du nom de la déesse de l’amour. A Rome, la perle était considérée comme un symbole de richesse : les perles étant très rares,  une tradition voulait que les familles romaines de haut rang achètent une perle par an pour leur fille.

Chez nous, au moyen-âge,  les perles étaient utilisées  pour orner les habits mais toutes les perles de cette époque étaient des perles d’eau douce. Les choses ne changeront qu’à la découverte du Nouveau Monde.  Après 1492, les conquistadors ont vaincu les Aztèques et ramené en Europe environ deux mille kilos de perles. Le marché se développe à une vitesse extraordinaire. Les perles sont devenues disponibles non seulement pour la haute noblesse, mais aussi pour les couches sociales aisées de manière plus large.

La Renaissance est appelée « l’âge d’or de la perle ». Toute cérémonie se retrouve transformée en un défilé de bijoux de perles. Les colliers de perles sont présents dans le portrait de presque toutes les femmes de l’époque. Les robes sont littéralement jonchées de perles, les longs colliers, de grosses perles, en plusieurs rangées, ornent les cous. On peut dire qu’à la Renaissance, ce sont des kilos de perles qui ornent une robe ! Il ne faut pas oublier que la femme sert largement à mettre en valeur la fortune de son  mari ou de son amant.

Une partie de la dot de Catherine était constituée de bijoux et de perles. Son tuteur le pape Clément VII lui offrit en cadeau de mariage 6 somptueux sautoirs et 25 perles poires. Catherine les adorait et les portait constamment. D’une manière générale les bijoux avaient pour objet d’asseoir le statut de la personne qui les portait.

La plus forte passion pour les perles, fut celle, célèbre, de la reine Elizabeth Ière, certains historiens qualifièrent sa passion pour les perles d’hystérique. Elle les accumulait par dizaines de milliers, y compris les perles de Catherine de Médicis qu’elle avait rachetées après l’exécution de Marie Stuart

Les hommes portaient également des perles. François Ier, Henri III, et même Henri IV, rois de France, Jacques et Charles Ier d’Angleterre en étaient couverts de la tête au pied !

Finalement Cléopâtre n’a pas conservé le privilège de « boire des perles » car, pendant longtemps les perles et les pierres précieuses ont été considérées comme dotées de pouvoirs mystérieux : alors que Diane de Poitiers prenait de l’ « or potable » d’autres pilaient des perles ou des pierres précieuses pour s’en faire des potions de jouvence!!!

BIJOUX ET PIERRES PRÉCIEUSES

Le moyen âge utilisait une grande abondance de pierres précieuses dans l’orfèvrerie civile et religieuse ou encore dans la parure. Pendant toute la première moitié du XVIe siècle, les pierres précieuses sont, au contraire, presque bannies du bijou. La matière n’est plus rien, seul le travail de l’artiste compte. Il faut dire qu’en France, les temps étaient peu favorables car les guerres lointaines avaient épuisé à tel point les finances de l’État, qu’en 1506, Louis XII interdit aux orfèvres de fabriquer, sans autorisation préalable, de la vaisselle en métal précieux. Toutefois, en dépit de ces judicieux conseils,  les expéditions en Italie contribuèrent à la diffusion des goûts de luxe.


Camée typique en agate représentant Marie Stuart monté en or émaillé et décoré d’une perle baroque. 1560

La deuxième moitié du siècle est donc marquée par un engouement inouï pour les pierres précieuses de tous genres. Le travail des pierres rares atteint sous les Valois une grande perfection y compris dans l’art religieux. Par exemple,  Henri II donna à la cathédrale de Reims un beau groupe de la Résurrection, dont les personnages sont groupés autour d’un tombeau creusé dans un magnifique morceau d’agate.

Sous le règne des derniers Valois,  l’éclat du diamant et des perles éclipsa tout à coup celui de l’or et de l’argent ; l’ industrie du joailler fit rejeter au second plan l’art exquis de l’orfèvre. Les colliers, les bagues, les bracelets, se couvrent de pierres précieuses, de perles. Les perles poire, en particulier, sont l’objet d’un engouement incroyable. Les hommes portent à l’oreille gauche une boucle d’oreille. En fait, l’ensemble des vêtements représentait des bijoux constellés de pierres précieuses mais surtout de perles.

La glyptique, c’est-à-dire la gravure sur des pierres fines,  fut cultivée par un grand nombre d’artistes de valeur. Ce qui nous vaut de magnifiques camées ou des sceaux en « intaille », c’est-à-dire en creux.

Le parfum à la renaissance

A la renaissance, la société a recours de plus en plus fréquemment aux parfums essentiellement pour camoufler les effluves peu flatteuses de corps mal lavés. On aime donc les parfums forts et capiteux et suffisamment tenaces pour remplir leur mission de dissimulation: l’ambre, le musc, le jasmin ou la tubéreuse( https://fr.wikipedia.org/wiki/Tub%C3%A9reuse )… C’est sans doute une démarche comparable qui se trouve à l’origine de l’engouement venu de Toscane, patrie de la reine Catherine de Médicis, pour les gants parfumés. Les parfums permettaient alors de masquer les odeurs peu plaisantes de peaux tannées.

Le pomander datant de l’époque médiévale est aussi appelé pomme de senteur ou pomme d’ambre. Il s’agit d’un bijou constitué d’une petite cage sphérique qui contenait des senteurs telles que l’ambre gris, la civette ou le musc. Ce bijou devint à la renaissance une véritable pièce d’orfèvrerie ciselée en or ou en argent et ornée de perles ou pierreries. Il s’ouvrait en quartiers où l’on pouvait alors déposer plusieurs parfums en pâte ou en poudre. Il était porté en pendentif, à la ceinture ou autour du cou au bout d’une chaîne pour remplir la fonction de camouflage décrit ci-dessus